La Lettre du RAFAL n° 47 du 7 mai 2013
Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix
Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey
Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.


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ACTUALITÉ DES ARMES LÉGÈRES ET DE PETIT CALIBRE (ALPC)
· La Libye, un arsenal sous-régional ouvert à tous vents
Dans un rapport établi en février, mais rendu public en avril, un Groupe d’experts de l’ONU s’alarme de la poursuite d’un important trafic d’armes en provenance de Libye vers plus d’une douzaine de pays, dont le Mali, le Niger et le Tchad, et portant sur des armes aussi bien lourdes que légères. Ce trafic se poursuit en dépit de l’embargo imposé à la Libye. Depuis le soulèvement contre le régime du Colonel Kadhafi, l'effondrement de l'appareil de sécurité qui s’en est suivi, ainsi que la perte du contrôle de l’Etat sur les stocks d'armes et l'absence de contrôles aux frontières, la Libye est devenue, au cours de ces deux dernières années la principale source d’approvisionnement en armes dans la région. Le manque de stabilité politique, les retards dans le désarmement des milices et les opportunités offertes par les trafics illicites encouragent des réseaux transfrontaliers qui opèrent de l’Afrique de l’Ouest au Proche-Orient en passant par la Corne de l’Afrique. Dès le début du soulèvement libyen, des convois de combattants et d'armes en provenance de Libye se sont déplacés vers le Mali à travers le sud de l'Algérie et le nord du Niger. Les informations recueillies auprès des organismes régionaux et internationaux de sécurité, ainsi que des autorités locales, indiquent que les groupes armés dans le Nord-Mali ont continué à renforcer leurs arsenaux de diverses manières, dont la saisie des stocks de l’armée malienne et l’achat par les filières illicites en provenance des pays voisins. Le Niger et l'Algérie ont continué à intercepter des armes en provenance de Libye et à destination du Mali. Au Tchad, les enquêteurs de l’ONU estiment qu’au moins 30 systèmes portables de défense anti-aérienne en provenance de Libye ont été achetés et transportés à N’Djamena, la capitale, autour du mois de juin 2012. Au Nigeria, le Groupe d’experts a également enquêté sur les allégations de transferts d'armes en provenance de Libye à travers le Niger.
Lire l’intégralité du rapport sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/2013/99
· Cameroun, l’impact sécuritaire de la crise centrafricaine
Depuis l’insurrection armée qui a entraîné, en mars 2013, l’éviction de François Bozizé du pouvoir en Centrafrique, les régions du nord-est du Cameroun, frontalières de la République centrafricaine, ont enregistré un regain d’insécurité. Plusieurs sources confirment en effet la circulation accrue d’armes légères et d’armes de guerre en provenance de Centrafrique. Cette recrudescence d’armes est notamment liée à la présence d’anciens éléments des Forces armées centrafricaines (FACA) restés fidèles à l’ex-président Bozizé et qui ont trouvé refuge au Cameroun, avec armes et bagages. Dans la nuit du 12 au 13 avril 2013, l’armée camerounaise a mené une vaste opération de ratissage dans la localité de Garoua Boulaye, située à la frontière entre le Cameroun et la Centrafrique, afin de désarmer la centaine de soldats centrafricains qui y avaient trouvé refuge. Outre la récupération d’armes infiltrées, cette opération visait également à débusquer les éléments du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine, une faction dissidente de la rébellion centrafricaine qui se sert de la zone frontalière camerounaise comme base arrière. Le 24 mars 2013, des éléments de la Séléka, coalition de rebelles qui ont pris le pouvoir à Bangui, avaient effectué une incursion en territoire camerounais, s’attaquant notamment au commissariat de la ville de Kenzou, (située également au Nord-Est et frontalière avec la République centrafricaine), où ils pensaient trouver leurs frères d’armes détenus. Les autorités camerounaises doivent par ailleurs gérer la présence de quelque milliers de réfugiés, qui ont fui les combats en Centrafrique, et nécessitent une assistance.
Le regain d’insécurité au Nord-Est est aussi le fait de délinquants ordinaires, profitant de ce contexte de prolifération d‘armes pour multiplier les agressions. Dans la ville de Bertoua, chef-lieu de la province de l’Est, une kalachnikov peut se négocier au prix de 30 000 francs CFA (45 euros). Les numéros de série des armes vendues au marché noir ont généralement été effacés, rendant difficile leur traçabilité, bien que les soupçons portent sur la Centrafrique voisine. Selon les témoignages de la population locale, certains promoteurs du commerce illicite de l'ivoire fournissent par ailleurs des armes de guerre aux groupes organisés de braconniers pour la chasse aux éléphants. Ces promoteurs seraient connus de tous et ne sont pas inquiétés par les autorités locales. De même, la population pointe les défaillances du système sécuritaire, illustrées par la prolifération et la circulation d’armes, malgré les contrôles routiers de gendarmerie et de police sur l'axe routier Bertoua-Kentzou, menant à la frontière centrafricaine.
Sources : APA News, Journal d’Afrique, Mboa 24, RFI.
· Côte d’Ivoire : les violations de l’embargo sur les armes passées à la loupe
Le Conseil de sécurité des Nations unies a reconduit, le 25 avril 2013 et pour une période d’une année, à la fois son régime de sanctions à l'égard de la Côte d'Ivoire, concernant notamment les transferts d’armes, et le mandat du Groupe d'experts créé en 2004 pour surveiller et évaluer l’application de ces sanctions. En effet, depuis 2004, la Côte d’Ivoire est sous embargo international sur les armes. Après la victoire des forces fidèles à Alassane Ouattara sur celles de Laurent Gbagbo, l’embargo a cependant été allégé, ne concernant plus les véhicules civils destinés à l’armée, les armements destinés à « appuyer le processus de réforme du secteur de sécurité » et le « matériel de police non létal », moyennant notification préalable au Comité des sanctions de l’ONU.
La résolution que vient d’adopter le Conseil de sécurité coïncide avec la publication du dernier rapport du Groupe d’experts évaluant l’application des sanctions. Ce document de 300 pages s’intéresse, notamment, à des violations sur les armes s’étant déroulées pendant deux périodes distinctes : avant et après le renversement de Gbagbo par les rebelles des Forces nouvelles (FN), favorables à Alassane Ouattara, et soutenus par une force de l’ONU et l’armée française en avril 2011. Durant la première période, les forces gouvernementales, alors pro-Gbagbo, auraient notamment importé d’importantes quantités de munitions produites au Soudan, en Iran, en Israël et en Chine. Selon les informations fournies par Beijing, les munitions chinoises auraient été préalablement vendues au Niger, qui les aurait donc illégalement réexportées. La force de l’ONU aurait également découvert dans des stocks du gouvernement renversé plus de 2 000 pistolets mitrailleurs d’origine soviétique, mis hors d’usage et dont les marquages avaient été effacés.
Dans l’autre camp, la plupart des armes livrées durant la guerre civile portaient la marque du Burkina Faso. Ainsi, un pont aérien aurait été établi entre le Soudan et ce pays, afin d’alimenter en armes et munitions la rébellion des FN. Ces transferts auraient été organisés par un ressortissant mauritanien, Moustapha Chafi, connu surtout comme conseiller spécial du Président burkinabé, Blaise Compaoré, ce que le Groupe omet de préciser. De multiples transferts routiers auraient donc eu lieu entre le Burkina et le nord de la Côte d’Ivoire, alors sous contrôle rebelle. En outre, Ouagadougou aurait envoyé des instructeurs afin d’enseigner aux rebelles le maniement des armes les plus sophistiquées et organisé des formations militaires sur son propre territoire.
En ce qui concerne la période actuelle, les violations du camp Gbagbo prendraient le plus souvent la forme d’incursions armées en provenance du Ghana et du Liberia. Le Groupe a analysé les moyens de financement et de communication de ces partisans de l’ancien président, qui seraient actuellement en nette perte de vitesse, grâce à une meilleure coordination entre autorités ivoiriennes, libériennes et ghanéennes. Quant aux nouvelles autorités gouvernementales, depuis l’avènement d’Alassane Ouattara, elles auraient procédé à plusieurs importations irrégulières, notamment de plus de 500 véhicules militaires, dont des véhicules tactiques légers de la société française ACMAT, équipés de mitraillettes PKM. L’importation d’une centaine de ces véhicules aurait été notifiée, avec plus d’un an de retard, au Comité des sanctions. Notons également que 200 pistolets Glock ont été illégalement importés d’Autriche en février 2013.
Si l’on y ajoute les allégations d’exportation frauduleuse de ressources naturelles (cacao…) sous escorte militaire et d’existence d’un « réseau militaro-économique au sein de l’administration, qui profite de la contrebande et d’un système d’imposition parallèle », le nouveau rapport des experts onusiens semble plus équilibré que les deux précédents, publiés en 2012, qui accablaient principalement les partisans de Laurent Gbagbo.
Le rapport du Groupe d’experts est disponible sous http://www.reseau-rafal.org/node/234.
Sur l’embargo ivoirien et ses violations entre 2010 et 2012, voir également Le Rapport du GRIP 2013/1, par Georges Berghezan, disponible sous http://www.grip.org/fr/node/801.
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ACTIVITÉS DES MEMBRES
· Rapport sur la sécurité humaine en Côte d'Ivoire (WANEP-CI)
Le Réseau Ouest-Africain pour l’Edification de la Paix, section Côte d’Ivoire (WANEP-CI), à travers son programme CI-WARN, produit et diffuse depuis avril 2012 des rapports mensuels sur la sécurité humaine en Côte d’Ivoire. Ces rapports visent à informer le public, ainsi qu’à dégager des recommandations à l’attention des différentes autorités, en vue de décisions idoines aux moments opportuns. Ce troisième rapport de l’année 2013 offre au lecteur un aperçu général de la situation sociopolitique, économique et, surtout, sécuritaire en Côte d’Ivoire au cours du mois de mars, et propose une description succincte des faits marquants. Les rapports sont accessibles à partir de la fiche RAFAL de WANEP-CI : http://www.reseau-rafal.org/node/112
· Rapport annuel d’activités des FUP/GL (Burundi)
L’association burundaise, Femmes Unies pour la Paix dans les Grands lacs (FUP/GL), dont l’action est axée sur la résolution pacifique des conflits, propose chaque année un rapport d’activités destiné à ses bénéficiaires, partenaires et toute personne ou organisation intéressée par les activités des FUP/GL et par la thématique de la résolution des conflits au Burundi. Le but est de soumettre la démarche de l’association à une appréciation critique et constructive, en vue de son amélioration. Le rapport d’activités 2012 est accessible à partir de la fiche RAFAL des FUP/GL : http://www.reseau-rafal.org/node/172
· Périscope, publication de l’association CPD (Burundi)
L’association Colonie des Pionniers de Développement « CPD », dont l’action est centrée sur l’Information et la sensibilisation sur la paix et la sécurité humaine au Burundi, a consacré sa publication, Périscope, du mois d’avril, à la parution de la brochure intitulée : « la Convention de Kinshasa, un outil pour la paix au Burundi » et publiée en français et en kirundi (voir La Lettre du RAFAL n° 45). Ce document, produit avec le soutien du GRIP, est le support d’une campagne de sensibilisation lancée par le CPD, en vue de la ratification et la mise en œuvre de la Convention de Kinshasa par les autorités burundaises. La Convention de Kinshasa pour le contrôle des armes légères et de petit calibre a été signée le 10 avril 2010. Après les ratifications de quatre pays signataires, elle doit encore être ratifiée par deux Etats avant d’entrer en vigueur. Le but de cette publication est de faciliter la réappropriation des enjeux de la Convention par la majorité de la population burundaise. La publication Périscope est accessible à partir de la fiche RAFAL de la CPD : http://www.reseau-rafal.org/node/168
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PUBLICATIONS RÉCENTES
· Charles Floriane : Monitoring de la stabilité régionale dans le bassin sahélien et en Afrique de l’Ouest - janvier à mars 2013. Note d’analyse du GRIP, 23 avril 2013, Bruxelles
Ce monitoring trimestriel est réalisé dans le cadre d’un projet d’une durée de trois ans (2011-2013) intitulé « Amélioration de la sécurité humaine, prévention des conflits et renforcement de l’état de droit dans huit pays d’Afrique occidentale et centrale » et financé par le Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg. Il a pour but de suivre la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, avec un éclairage particulier ce trimestre sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger et le Sénégal. Ce monitoring se penche principalement sur les questions liées aux tensions régionales, au terrorisme et aux trafics transfrontaliers, à la production et aux transferts d’armements et aux mécanismes de coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée. Lire le monitoring sur http://www.grip.org/fr/node/873.
· Rouppert Bérangère : EUTM Mali : Une mission déployée dans l’urgence dans un contexte de conflit ouvert, Note d’Analyse du GRIP, 19 avril 2013, Bruxelles
La nouvelle déroute de l’armée malienne face à l’offensive des groupes islamistes en janvier 2013, à laquelle l’Opération française Serval a répondu, a fortement bousculé la mise en place de la mission européenne de formation des forces armées maliennes. Grâce au travail politique et diplomatique accompli à marche forcée au sein des institutions européennes à Bruxelles, la mission a pu être déployée dès février sur le sol malien. Les capacités d’adaptation des formateurs d’EUTM Mali ont permis de résoudre certains obstacles logistiques, financiers et socio-culturels, cependant des défis de taille restent à venir. Cette Note d’Analyse est le résultat de deux missions complémentaires, réalisées à Bruxelles et à Bamako. Lire la note sur http://www.grip.org/fr/node/870.