La Lettre du RAFAL n° 46 du 4 avril 2013

Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix

Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey

Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.

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1. ACTUALITÉ DES ARMES LÉGÈRES ET DE PETIT CALIBRE (ALPC)

  • Les Etats s'accordent pour réglementer le commerce des armes

L’Assemblée générale des Nations unies a adopté, ce 2 avril 2013,  le Traité sur le commerce des armes (TCA). Cette décision efface le résultat décevant de la Conférence finale de négociations, qui s’était tenue du 18 au 28 mars 2013, en raison de l’opposition de 3 États –  l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie. Il s’agit aussi, pour la majorité des États et la société civile, d’une étape très importante d’un long processus au sein des Nations unies en vue de doter les États d’un instrument juridiquement contraignant établissant les « normes les plus strictes possibles pour réglementer ou améliorer la réglementation du commerce international d’armes classiques ».

Un Traité de compromis…

La Résolution A/67/L.58 qui adopte le Traité a été soutenue par 155 États contre 3 oppositions et 22 abstentions (et 13 États qui n’ont pas voté). Les États qui se sont abstenus lors du vote de la résolution ont exprimé leur mécontentement par rapport au texte qu’ils trouvent biaisé au profit des intérêts des États exportateurs, incomplet et ne reflétant pas leurs intérêts. Une des pierres d’achoppement pour certains est l’absence, dans le Traité, d’une interdiction absolue de transférer des armes vers des acteurs non étatiques. D’autres ont exprimé leur regret de ne pas avoir une adoption par consensus.

Si le Traité, le premier instrument international du genre réglementant le commerce des armes, est le résultat de compromis et de concessions que les États ont dû faire, il reste qu’il contient des dispositions qui ont le potentiel d’améliorer les contrôles sur les transferts d’armes et d’encourager les États à une plus grande responsabilité dans le domaine.

…entre points forts…

Le nouveau Traité oblige chaque État à mettre en place un régime de contrôle national des transferts d’armes et à évaluer, avant d’autoriser un transfert, le risque que les armes exportées portent atteinte à la paix ou la sécurité ou soient utilisées pour commettre une violation grave du droit humanitaire international ou du droit international des droits de l’homme ou encore pour commettre des actes de terrorisme. Il établit des interdictions absolues de transferts notamment dans le cas où l’État a connaissance que les armes exportées pourraient servir à commettre des génocides, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. Les transferts d'armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels sont également interdits.

Par ce Traité, les États s’engagent à prendre des mesures pour réglementer les importations, transit et transbordement ainsi que les activités du courtage. Le Traité comblera un vide juridique dans de nombreux États : en effet, selon les estimations de 2008, seule une soixantaine d’États était dotée de législations nationales sur les transferts d’armes. Parmi les autres points forts, on peut signaler que la violence basée sur le genre doit être prise en compte dans l’évaluation des demandes d’exportation et que le risque de détournement est identifié comme motif légitime pour refuser un transfert. Un article du TCA, spécifiquement dédié à la question des détournements, pousse les États à collaborer et à prendre des mesures pour les prévenir ou y mettre fin.

La Conférence des États parties est mandatée, entre autres, pour examiner la mise en œuvre du Traité et notamment les développements dans le domaine des armes classiques. Enfin, les amendements pourront être adoptés par un vote majoritaire des trois-quarts des États Parties au lieu du consensus. Ces deux éléments devraient permettre au Traité d’évoluer au gré des évolutions technologiques des armes classiques.

… et faiblesses

Néanmoins, des lacunes persistent qui peuvent limiter la portée du Traité. Parmi les plus importantes ; le champ d'application du Traité est encore trop étroit. D’une part, les munitions et les pièces détachées ne sont pas couvertes par toutes les dispositions du texte, notamment celles sur le détournement et la transparence, et les armes légères et de petit calibre souffrent d’un manque de définition précise. D’autre part, seules les activités commerciales sont considérées comme transferts ; les dons, cessions et prêts d’armes, les accords de production sous licence et plus globalement les transferts de technologie étant de fait exclus du champ d’application du Traité.

Il est également regrettable que la notion de risque « prépondérant » (plutôt que « manifeste » ou « clair ») pour refuser une exportation ait été maintenue, introduisant de fait un haut degré de subjectivité dans le processus d’évaluation d’une autorisation. En outre, toute référence au développement socio-économique a été retirée du Traité. Enfin, si les États doivent établir des rapports réguliers sur les exportations et importations autorisées ou effectuées, aucune obligation de les rendre publics n’est contenue dans le Traité. À cette importante faiblesse au niveau de la transparence publique, s’ajoute la possibilité laissée aux États d’exclure de leurs rapports toute information de nature commerciale sensible ou relevant de la sécurité nationale.

Le travail ne fait que commencer

L’adoption du TCA ne signifie pas la fin des efforts menés pendant près de 20 ans par de nombreux États et les organisations de la société civile pour réduire les conséquences négatives du commerce non réglementé des armes.

Les États doivent maintenir l’élan d’ici au 3 juin 2013, date de l’ouverture pour signature du Traité. L’enthousiasme exprimé par une grande majorité d’États doit se traduire par une signature et une ratification rapide. En effet, 50 États doivent l’avoir ratifié pour que le Traité entre en rigueur.

Les États doivent s’atteler à la mise en œuvre du Traité. Le travail d’interprétation et d’opérationnalisation des dispositions du TCA ne fait que commencer. Il est en effet important d’éviter que les lacunes ne soient exploitées pour réduire la portée du Traité et justifier des pratiques irresponsables actuelles. Dans ce cadre, certains États ont d’ores et déjà exprimé leur engagement à adopter des interprétations qui permettent d’aller plus loin que les dispositions actuelles et des définitions qui réduisent les ambiguïtés présentes dans ce premier traité sur le commerce des armes.

Les documents de référence sont disponibles sur le site Internet de la Conférence des Nations unies sur le TCA : http://www.un.org/disarmament/ATT/

Source : GRIP, http://www.grip.org/fr/node/853

  • L’enjeu des munitions dans le TCA

La question de l’inclusion des munitions dans le Traité sur le commerce des armes est restée, jusqu’au bout, l’un des enjeux majeurs des discussions de la dernière chance, du 18 au 28 mars, pour l’adoption d’une réglementation contraignante sur le commerce des armes, au siège des Nations Unies. Certains Etats, notamment les États-Unis, premier exportateur mondial, ne souhaitaient pas inclure les munitions dans le TCA au motif qu’il est trop difficile d’en suivre la trace. Les munitions sont ainsi exclues du champ du TCA et vouées à des contrôles moins complets. La disponibilité des munitions reste pourtant une des causes principales de perpétuation de la violence armée dans nombre de régions déjà saturées par la présence massive d’ armes légères et de petit calibre (ALPC). Au deuxième jour des discussions sur le TCA, 69 États avaient signé une déclaration demandant que le traité réglemente aussi les transferts de munitions. Ces États, la plupart d’Afrique ou d’Amérique latine, sont les plus touchés par la violence liée aux ALPC. Par ailleurs, des initiatives axées sur la réduction de l’offre en munitions représentent à ce jour un moyen sous-exploité, qui pourrait contribuer à limiter l’impact néfaste de la présence déjà massive d’ALPC dans les régions les plus touchées par la violence.

Voir notamment : Anders Holger, Violence armée en Afrique : Faut-il inclure le contrôle des munitions dans le traité sur le commerce des armes ?, Rapport du GRIP, 1er février 2012, http://www.grip.org/fr/node/177.

  • Marquage des armes des forces de sécurité ivoiriennes 

Une opération de marquage des armes des forces de sécurité ivoiriennes a débuté à la fin du mois de mars à Noé, à la frontière ghanéenne, en présence des autorités policières et militaires, ainsi que de responsables d’organisations du système des Nations Unies. Cette démarche fait partie de la mise en œuvre du projet de la Commission nationale de lutte contre la prolifération et la circulation illicite des armes légères et de petit calibre (COMNAT-ALPC), exécuté en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Japon. Cette opération devrait permettre « d’identifier toutes les armes ainsi que leurs détenteurs ».

Source : http://fr.starafrica.com/actualites/debut-du-marquage-des-armes-des-forc...

Voir également : Poitevin Cédric, Tracer les armes légères et de petit calibre - Initiatives internationales et défis actuels en Afrique de l’Ouest, Note d’Analyse du GRIP, 25 février 2010, Bruxelles, http://www.grip.org/fr/node/167

  • Le danger des munitions non explosées au Mali

Les raids aériens et les affrontements au sol ont laissé les régions du nord et du centre du Mali truffées de munitions non explosées qui mettent sérieusement en péril la vie des enfants et empêchent le retour des personnes déplacées.

Parmi les 53 personnes qui ont été blessées par des explosifs abandonnés entre avril 2012 et mars 2013, 38 étaient des enfants. Cinq enfants et deux adultes ont également été tués pendant cette période, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Les obus d’artillerie, les roquettes, les grenades, les balles, les bombes aériennes et les mortiers abandonnés ont surtout été retrouvés dans les villes de Diabali, de Douentza, de Konna et de Gao.

« [Les munitions non explosées] sont partout ; dans la rue, près des écoles et des centres de santé », a dit à IRIN Hector Calderon, responsable des communications de l’UNICEF au Mali. « Les enfants sont plus vulnérables parce qu’ils jouent, qu’ils courent dans tous les sens et qu’ils peuvent, par curiosité, décider de ramasser des munitions abandonnées. »

 « En plus de constituer une menace directe pour la vie et l’intégrité physique, la présence de débris de guerre explosifs affecte négativement les moyens de subsistance et perturbe la vie quotidienne des habitants », a dit Marc Vaillant, responsable de programme auprès du Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) au Mali.

Les engins explosifs improvisés qui peuvent être déclenchés à distance, les attentats suicides ou aux voitures piégées, le stockage non sécurisé des munitions et la prolifération généralisée des armes légères et de petit calibre font aussi partie des menaces sécuritaires qui pèsent sur le Mali, a indiqué l’UNMAS.

Les forces françaises, qui combattent actuellement les rebelles islamistes aux côtés des troupes tchadiennes dans le massif des Ifoghas, près de la frontière algérienne, ont récemment découvert environ 800 kilogrammes de matières explosives dans une maison de Gao. 

Lire l’article dans son intégralité sur le site d’IRIN, http://www.irinnews.org/fr/Report/97699/Au-Mali-les-munitions-abandonn%C...

 

2. ACTIVITÉS DES MEMBRES

• Le RAFAL accueille l’APED

L’Association pour la Promotion de l’Etat de Droit, des Droits de l’Homme et du Développement Intégré, basée à Bujumbura (Burundi), est active dans la promotion, la défense et la protection de l’Etat de droit, des droits de l’homme et du développement. Ses activités courantes portent notamment sur le monitoring du fonctionnement des institutions étatiques, dont les institutions judiciaires, la police et les institutions en charge de la lutte contre la corruption, l’innovation et le renforcement des capacités locales sur la promotion du développement et la protection de l’environnement et des droits de l’homme et du genre. Les objectifs de l’APED visent également au renforcement des programmes d’éducation civique et culturelle dans différentes composantes de la société burundaise.

La fiche de membre de l’APED est éditée sous http://www.reseau-rafal.org/node/229. 

 

3. PUBLICATION RÉCENTE

• Bernard ADAM, Mali : de l'intervention militaire française à la reconstruction de l'État, Les Rapports du GRIP, 1er mars 2013, Bruxelles

Toute intervention militaire étrangère, comme celle lancée par la France le 11 janvier 2013 au Mali, pose question. Est-elle légitime au regard du droit international ? Quels sont ses objectifs officiels ? N’y a-t-il pas d’autres intentions non déclarés ? Est-ce raisonnable de parler de « lutte contre le terrorisme », rappelant ainsi un certain discours « bushien » ? Comment interpréter l’absence de troupes d’autres pays européens ? Si cette action militaire est apparue comme nécessaire pour stopper une brusque et inattendue offensive vers le sud des groupes djihadistes qui occupaient le Nord-Mali depuis début 2012, elle ne sera sûrement pas suffisante pour apporter une sécurité durable.

Lire le rapport sous http://www.grip.org/fr/node/823.