La Lettre du RAFAL n° 36 du 31 janvier 2012

Bulletin d’information
du Réseau africain francophone sur les armes légères,
pour la prévention des conflits et la construction de la paix

Edité par le GRIP
Chaussée de Louvain, 467 - B1030 Bruxelles
Tél.: (32.2) 241.84.20 - Fax: (32.2) 245.19.33
Courriel : m.luntumbue@grip.org
Internet : http://www.reseau-rafal.org/
Ed. resp.: Luc Mampaey

Cette publication est réalisée dans le cadre des projets du GRIP sur les armes légères, la prévention des conflits et la construction de la paix en Afrique, avec le soutien du Ministère belge des Affaires étrangères, du Ministère de la Communauté française de Belgique et du Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg.

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1. Hommage à Flory Kayembe Shamba

La société civile congolaise et internationale a rendu un hommage unanime au professeur Flory Kayembe Shamba, décédé à Kinshasa le samedi 21 janvier et inhumé dans la capitale congolaise le vendredi 27 janvier 2012. Flory Kayembe était Chef des Travaux à l'Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe (Kinshasa) et un grand militant de la paix en RDC. Pionnier de la lutte contre la prolifération des ALPC, il avait pris part, il y a 10 ans, à la première étude jamais réalisée en RDC sur le trafic transfrontalier des armes. En 2004, il a été l’un des promoteurs du Réseau congolais d’action sur les armes légères (RECAAL), dont il assuré la coordination nationale jusqu’à son décès. Flory Kayembe a coordonné ou collaboré avec différentes structures de la société civile, notamment le Groupe AMOS, Pax Christi international (en tant que Chef d'antenne honoraire de Kinshasa), le Rodhecic (Réseau d’organisations de droits humains et d’éducation civique d’inspiration chrétienne), le Groupe Jérémie, le Panel congolais de Recherche sur les ALPC. Flory Kayembe a également participé à plusieurs rencontres internationales en qualité d'expert sur les questions des ALPC en RDC. Il s’était notamment impliqué dans le processus des comités préparatoires relatifs à l'élaboration du Traité sur le Commerce des Armes, qui doit être adopté en juillet 2012. Plus récemment, en novembre-décembre 2011 à Bangui, lors de la 1ère assemblée générale du Réseau d’action d’Afrique centrale sur les armes légères (RASALAC), les qualités d’écoute et de médiation de Flory Kayembe ont été saluées par tous les participants, et furent bien utiles pour surmonter divers conflits entre participants. Enfin, son absence – indépendante de sa volonté – lors du séminaire de formation organisé par le GRIP à Goma, fut unanimement regrettée. La société civile congolaise perd ainsi l’un de ses plus illustres représentants dans la lutte contre la prolifération des ALPC et la promotion de la Paix.

2. Activités des membres

• Le RAFAL accueille un nouveau membre, l’Initiative pour la Promotion de la Paix, de la Réconciliation et du Développement. L’IPARDE est basée à Kiwanja, en Territoire de Rutshuru, dans la Province du Nord-Kivu, en RD Congo, une région lourdement affectée par les conflits et la méfiance interethniques. L’IPARDE est principalement active dans le domaine de la promotion des droits de l’homme, la prévention et la résolution des conflits, la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, ou encore dans la lutte contre les violences sexuelles, etla lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre.

 

 http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=512

 

• Le dernier numéro des Echos des FUP/GL, bulletin d’information et de sensibilisation des Femmes unies pour la Paix dans la région des Grands lacs (Burundi), est disponible en ligne. Cette dernière livraison est notamment consacrée à une session de restitution de l’atelier de formation et de renforcement mutuel des capacités de la société civile de la RDC, du Rwanda et du Burundi, organisé par le GRIP en décembre à Goma. La session de restitution à l’intention des membres des FUP/GL a eu lieu le 30 décembre 2011 à Bujumbura.

 

 http://www.reseau-rafal.org/siteweb/images/Membres/Afrique_centrale/BURUNDI/FUP-GL/ECHOS%20DE%20FUP-GL%20N°008%20DEC.%202011.pdf

 

• Le dernier rapport sur les incidents armés au Nord-Kivu de l’ACPD - Action des Chrétiens pour la promotion de la Paix et du Développement - est disponible en ligne. L’ACPD présente son monitoring mensuel sur la situation sécuritaire et les violations des droits de l’homme en province du Nord-Kivu, assorti d’un rapport statistique annuel, qui reprend les données chiffrées relatives à la flambée de violence dans la Province du Nord-Kivu pour l’année 2011. En dépit des promesses d’un retour à la paix, réitérées par les candidats aux dernières élections présidentielle et législatives de novembre 2011 en RD Congo, les populations du Nord-Kivu ont assisté à une flambée de violations des droits de l’homme et de cas d’insécurité, causés par différents acteurs : des détenteurs légaux des armes, des militaires et des éléments de la police, et de plus en plus par des détenteurs illégaux : groupes armés, civils et autres.

Tous ces rapports sont disponibles à partir de la page de l'ACPD.

 

 http://www.reseau-rafal.org/siteweb/dev.asp?N=simple&O=467

 

3. Actualité des armes légères et de petit calibre (ALPC)

• Interdiction du port d’armes pour 4 mois au Sénégal Suite aux violences politiques entre opposants et partisans du président Abdoulaye Wade, qui ont fait un mort par balle le 22 décembre à Dakar, le gouvernement sénégalais a décidé d’interdire le port d'armes sur l’ensemble du territoire sénégalais pour une période de 4 mois. Cette mesure, entrée en vigueur le 4 janvier, s’étend jusqu’au 30 avril 2012. Elle couvre la période de la campagne électorale et le scrutin présidentiel, dont le premier tour est prévu le 26 février 2012. L’interdiction vise toutes les catégories d’armes, de munitions et d'explosifs. La mesure s'applique tant aux nationaux qu’aux étrangers titulaires d'un permis de détention ou de port d’armes. Toutefois, cette mesure ne concerne que les civils et ne s'applique pas aux forces de sécurité et de défense pour lesquels l’usage d’armes s’inscrit à l’évidence dans le cadre professionnel. Les prochaines élections sénégalaises s’annoncent dans un climat de tensions suite à la candidature controversée d’Abdoulaye Wade, considérée comme anticonstitutionnelle par l’opposition. http://www.slateafrique.com/80273/senegal-le-port-darmes-interdit-pour-4-mois-apres-des-violences-politiques

• Le défi du trafic d’armes dans la zone sahélo-saharienne En quelques mois, l’espace sahélo-saharien est devenu comme on le craignait, la plaque tournante régionale pour la circulation d’armes et les trafics en tous genres. Notamment dans la zone frontalière entre l'Algérie, le Mali et le Niger. La dispersion des arsenaux libyens, la faiblesse des institutions étatiques dans ces confins désertiques ont favorisé l’émergence d’un immense marché de vente et d'achat d'armes. Rien qu’en 2011, l'armée algérienne aurait appréhendé quelques 214 contrebandiers en armes et démantelé 10 gangs spécialisés dans le trafic d'armes et d'explosifs dans ses zones frontalières. Près de 1 500 armes ont été saisies ainsi que des quantités équivalentes de munition. Il y a aurait, dans la région du Sahel, près de 80 000 Kalachnikovs en circulation, à des prix variant entre 200 euros, pour les armes de contrefaçons dépourvues de licence, et 300 euros pour d’authentiques armes de fabrication russe. Différents points d’approvisionnement fournissent ainsi une grande variété d’armes : du pistolet mitrailleur israélien au pistolet automatique italien, des fusils semi-automatiques à barillet aux mitrailleuses lourdes, mortiers, grenades à main, lance-grenades, ou canons aériens et antichars, etc. Jusque récemment, la majorité des armes de la région provenait de la Somalie, du Soudan ou d'Afrique de l’Ouest, lorsque la fin de certains conflits (Libéria, Sierra Léone ou Côte d'Ivoire) avait favorisé le recyclage d’armes vers le Sahel. La Somalie à elle seule compterait quelques 20 millions de fusils (plus de deux armes par habitant). Elle approvisionnait la zone sahélo-saharienne en armes en provenance du Moyen-Orient. La dispersion des stocks d’armes libyennes a bouleversé la donne et amplifié l’échelle du trafic. La reprise des attaques de la rébellion touarègue, le 18 janvier dernier dans le Nord du Mali, en est l’une des conséquences. Il s’agit des premières actions armées depuis l'accord de 2009 ayant mis fin à la rébellion. http://www.slateafrique.com/81337/sahel-le-marche-des-armes-sahel-al-qaida-libye-algerie

• Vers la levée de l’embargo sur les armes à destination de la Somalie ? Les autorités somaliennes du gouvernement national de transition ont appelé début janvier à la levée de l’embargo sur les armes imposé par l'ONU depuis 20 ans. L'interdiction du commerce des armes à destination de la Somalie a été décidée par les Nations unies en 1992 suite à l'intensification de la guerre civile consécutive à l'effondrement du gouvernement central somalien en 1991. Selon les autorités du gouvernement de transition, cet embargo des Nations Unies entrave aujourd’hui la lutte contre les groupes radicaux comme les milices Al-Shabaab qui occupent l’essentiel du territoire somalien. Le succès remporté par l'alliance des forces pro-gouvernementales et des casques blancs de l'Union africaine qui avait conduit à l'expulsion des militants d'Al-Shabaab de la capitale Mogadiscio, plaide en faveur de cette option, selon les autorités du gouvernement de transition. Ce dernier planifie un ambitieux programme de réforme et de renforcement de l’armée avec le soutien de l’AMISOM, la mission de l’UA en Somalie. La formation des éléments de l’armée gouvernementale, qui jusqu’ici avait été assurée dans les pays voisins, faute d’infrastructure adéquates en Somalie, pourrait être organisée sur le territoire somalien. La formation locale du personnel de l’armée et la levée de l'embargo de l'ONU en vue d'habiliter les forces du gouvernement de transition devraient contribuer, selon les autorités, à assurer la défaite d'Al-Shabaab. http://www.africareview.com/News/Somalia+calls+for+lifting+of+UN+arms+embargo/-/979180/1303620/-/9tyjlsz/-/index.html

4. Publications récentes

Bérangère Rouppert, « Monitoring de la stabilité régionale dans le bassin sahélien en en Afrique de l’Ouest », Octobre-décembre 2011, 15 janvier 2012

Ce monitoring trimestriel est réalisé dans le cadre d’un projet d’une durée de trois ans (2011-2013) intitulé « Amélioration de la sécurité humaine, prévention des conflits et renforcement de l’état de droit dans huit pays d’Afrique occidentale et centrale » financé par le Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché du Luxembourg. Il a pour but de suivre la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest avec un accent plus particulier sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et le Sénégal. Il se penche en particulier sur les questions liées aux tensions régionales, au terrorisme et aux trafics transfrontaliers, à la production et aux transferts d’armements et aux mécanismes de coopération en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.

 

 Monitoring de la stabilité régionale dans le bassin sahélien en en Afrique de l’Ouest

 

Bérangère Rouppert, « La stratégie européenne pour le développement et la sécurité au Sahel : rupture ou continuité ? » Note d’analyse du Grip, 16 janvier 2012. Ce document est en anglais.

Après la chute du régime de Muammar Kadhafi à l’automne 2011, l’Union européenne s’est trouvée confrontée à plusieurs défis à même de générer instabilité politique, problèmes sécuritaires et humanitaires dans la région sahélo-saharienne. Ils ont des impacts conséquents sur ses intérêts économiques dans la région mais également à l’intérieur de ses frontières. Reconnaissant le lien indéfectible entre sécurité et développement, elle prévoit des stratégies dans divers domaines afin de soutenir les stratégies et politiques nationales des États du Sahel. Cette stratégie pose diverses questions : est-elle adaptée aux défis auxquels doivent faire face les nouvelles autorités de la région ? S’agit-il d’une nouvelle façon de repenser les relations de l’UE avec le Sahel ou d’une reformulation de plusieurs politiques de coopération ? Comment parvenir à aller au-delà des mots et rendre cette stratégie effective ?

 

 La stratégie européenne pour le développement et la sécurité au Sahel: rupture ou continuité ?

 

Michel Luntumbue, « Groupes armés, conflits et gouvernance en Afrique de l’Ouest : Une grille de lecture », Note d’analyse du Grip, 27 janvier 2012

En dépit des évolutions récentes, l’Afrique de l’Ouest demeure une région particulièrement affectée par des foyers de conflits latents, liés notamment à la présence de groupes armés qui échappent au contrôle des gouvernements. Bien qu’enracinés dans leurs contextes spécifiques au niveau local ou national, ces acteurs et ces foyers d’instabilité s’inscrivent dans des dynamiques interdépendantes qui relèvent de véritables « systèmes de conflits » aux implications sous-régionales. Cette note d’analyse est un complément et une mise en perspective des données proposées dans nos fiches thématiques consacrées aux groupes armés en Afrique de l’Ouest. Ces fiches documentaires exposent succinctement les fondements historiques et idéologiques, les objectifs, le fonctionnement et les modes opératoires des groupes armés (AQMI, Boko Haram, MEND, MNJ) actifs en Afrique de l’Ouest.

 

 Groupes armés, conflits et gouvernance en Afrique de l’Ouest : Une grille de lecture